Les interfaces graphiques (et en particulier notre chère Aqua) visent toutes, à coups de métaphores, à imiter autant que faire se peut la surface de nos bureaux physiques, le but ultime étant (je le conçois ainsi) de précisément nous faire oublier que nous avons affaire à une interface graphique ; celle-ci doit nous faire croire que nous ne sommes nullement occupés à commander un ordinateur mais à manipuler des outils sur un bureau. C’est ce qu’on appelle pompeusement l’expérience utilisateur.

Tout le monde s’accorde à dire que l’interface du Macintosh offre l’une des meilleures — sinon la meilleure — des expériences utilisateur. Beaucoup ont essayé de la singer, mais heureusement aucun n’y est encore parvenu. Il est vrai qu’Apple a placé la barre assez haut et, ne s’endormant pas sur ses lauriers, s’efforce de l’améliorer de plus en plus, au fil des nouvelles versions que l’on attend tous la langue pendante. Je ne peux que tirer chapeau bas à ces géniales trouvailles que sont par exemple le bandeau Emplacements des fenêtres du Finder ou Exposé. Je ne parle même pas des nouveautés de Tiger (le magazine Vous et votre Mac, dans son numéro 2, y consacre d’ailleurs tout un dossier).

L’interface de nos Mac n’a donc cessé d’évoluer depuis sa première incarnation. Entre la première version apparue, System 1.0, jusqu’au très attendu Tiger, il n’y a presque plus grand chose de commun ; parmi les révolutions radicales ou les améliorations cosmétiques, nous citerons pêle-mêle : le MultiFinder, l’interface platine, les nouveaux Navigation Services, le Dock, etc.

Mais, hélas !, si mille choses ont changé, évolué, se sont affinées et améliorées, il en reste une qui, à mon sens, représente une aberration en matière d'expérience utilisateur. J’ai nommé les dialogues d’ouverture et d’enregistrement de documents. C’est à celà que je faisais référence plus haut en mettant en exergue le mot « presque ». Je m’explique.

Voyez d’abord comment Apple a patiemment et minutieusement construit sa suite iLife. iPhoto est dédié à la gestion de vos photos, iTunes à celle de musique, iMovie vous sert pour le montage de vos films et iDVD vous permet de graver vos propres DVD. Chaque produit forme un brique spécialisée dans un tout. Vous avez besoin d’ajouter une musique à un montage iMovie ? iTunes vous ouvre l’accès de sa bibliothèque. Il n’y a pas eu besoin d’ajouter dans iMovie un gestionnaire de musique. Chaque application est spécialisée dans son domaine.

Revenons à notre propos. Pourquoi donc les applications doivent-elles embarquer des dialogues d’ouverture et d’enregistrement de fichiers (ceux-qui apparaissent quand vous faites Fichier > Ouvrir ou Fichier > Enregistrer sous), alors qu’il existe déjà une application spécialement dédiée à la gestion des fichiers, le Finder en l’occurence ? Pourquoi les applications ne s’appuient-elles pas, pour manipuler les fichiers, sur le Finder, dont c’est la raison d’être et la mission principale ? Pour une personne novice, l’expérience utilisateur de la gestion de fichiers se base d’abord sur l’utilisation du Finder. Cette personne va se forger un environnement configuré selon ses besoins (présentation en icônes, en lignes ou en colonnes, tris, familles, etc.). Pourquoi devra-t-elle changer ses habitudes durement acquises et remplacer un confortable espace de navigation occupant tout l’écran par une minuscule fenêtre n’offrant pas toutes les possibilités du Finder en matière d’interaction et de configuration ?…

Imaginons un nouveau Mac OS X dans lequel l'invocation dans une quelconque application de la commande [Ouvrir] vous basculera automatiquement dans le Finder, lequel vous présentera une de ses si belles fenêtres, configurée comme vous en avez l’habitude. Les icônes qui n’intéressent pas votre application seront automatiquement désactivées — grisées, comme on disait dans le temps ; une palette de commande flottante vous permettra de sélectionner les types de fichiers que vous désirez ouvrir. Vous naviguerez dans les répertoires ou le Bureau comme vous avez toujours eu l’habitude de faire. Un double clic et hop ! vous avez ouvert votre document.

Imaginons également que l’invocation de la commande [Enregistrer sous] provoque la réduction, dans un bel effet Génie, de la taille de la fenêtre du document sur lequel vous travaillez, se transformant ainsi en une icône qui ira sagement se coller au pointeur de votre souris, alors que toutes les autres fenêtres ouvertes des autres applications disparaissent toutes dans un beau ballet sur les côtés de l’écran, comme le fait déjà si bien Exposé : le Finder est à votre disposition. Vous naviguerez à l’endroit où vous souhaitez enregistrer votre document, vous y déposerez son icône, vous baptiserez le fichier — comme vous l’avez toujours fait sous le Finder—, sans oublier la palette flottante qui apparaîtra pour vous offrir l’accès aux options d’enregistrement que vous désirez modifier. Et une fois fini, vous retournez fissa à votre application, le système prenant son aspect originel.

Je le concède, implémenter une telle fonctionnalité ne sera pas chose aisée. Mais je fais confiance à Apple pour trouver le meilleur moyen d’y parvenir. Chiche Apple.