L’arrivée de Spotlight a fait et fait encore couler beaucoup d’encre (virtuelle). Le nombre impressionnant d’articles écrits à son sujet, dithyrambiques pour la grosse majorité, montre le grand intérêt de cette technologie ; elle représente, à n’en point douter, une réelle avancée, pour ne pas dire révolution, du point de vue de l’« expérience utilisateur ».

Beaucoup de personnes, dorénavant, ne jurent plus que par Spotlight, au point de délaisser complètement, pour certains, la voie classique du Finder et ses longues, trop longues promenades au fil des dossiers. Hop ! un coup de Commande-Espace, quelques caractères rapidement saisis, un dernier clic, et voilà votre document, jusqu’à présent enterré au dixième niveau d’une hiérarchie de dossiers, prestement ouvert prêt à recevoir votre prose. Plus simple tu meurs.

Du coup, ne voilà-t-il pas que certains nous prédisent la mort, à plus ou moins brève échéance, du Finder. L’article intitulé Tiger Tweaks Could Kill Folders, par exemple, sur Wired.

Devons-nous prendre ces affirmations pour argent comptant ? Spotlight réussira-t-il vraiment à bouter le Finder hors des puces électroniques de nos Macs ? Analysons les conséquences de cette prédiction.

Je me permets tout d’abord de vous rappeler ce passage d’un billet intitulé Dialogues d’ouverture et d’enregistrement de fichiers et expérience utilisateur :

Les interfaces graphiques (et en particulier notre chère Aqua) visent toutes, à coups de métaphores, à imiter autant que faire se peut la surface de nos bureaux physiques, le but ultime étant (je le conçois ainsi) de précisément nous faire oublier que nous avons affaire à une interface graphique ; celle-ci doit nous faire croire que nous ne sommes nullement occupés à commander un ordinateur mais à manipuler des outils sur un bureau. C’est ce qu’on appelle pompeusement l’expérience utilisateur.

Dans un bureau, un vrai, qu’y trouve-t-on ? Des documents et encore des documents, des dossiers, des outils, des armoires et des classeurs, et encore et encore. Le problème du classement et de l’accès aux documents s’est toujours posé à nous, tant dans le monde réel des bureaux que dans le monde virtuel des ordinateurs.

En tant qu’utilisateur de votre bureau — le vrai, celui en dur —, la tâche d’assurer ordre et discipline parmi vos documents vous incombe. Si vous êtes un maniaque du rangement et du classement, vous êtes sauf et continuez sur cette voie. Si vous vous en désintéressez, vous vous trouverez vite noyé sous des amoncellements de documents — et plus grand est votre bureau, plus imposants sont les amoncellements — ; trois solutions se présentent à vous dans ce cas : 1) laisser les choses en l’état et vous résigner à perdre des heures à chercher le moindre malheureux bout de papier ; 2) retrousser vos manches et vous lancer vaillamment dans une grande opération de ménage, en sachant pertinemment qu’à plus ou brève échéance vous aurez à répéter cette même opération, sans fin ; 3) et finalement, embaucher un(e) secrétaire à qui confier le travail ingrat de rangement et de classement ; vous avez besoin d’un document particulier ? faites appel à votre secrétaire et voilà déjà ce précieux papier posé sur votre bureau.

Spotlight n’est ni plus ni moins que ce (cette) précieux (précieuse) secrétaire. Mais, de la même façon qu’employer un(e) secrétaire ne vous empêchera jamais d’aller à quelque occasion chercher vous-même tel dossier rangé dans telle armoire — ne parlons même pas des documents déjà placés à portée de main sur votre bureau —, Spotlight ne vous empêchera jamais de naviguer via le Finder dans la hiérarchie de votre disque pour y piocher un fichier dont vous avez besoin.

Supposons maintenant qu’Apple décide en fin de compte de bouter dehors le Finder. Par quoi le remplacerait-il ? Quelle image de quelle métaphore affichera l’écran ? À l’ouverture de session, quel visage nous présenterait notre Mac ? Actuellement, le Finder nous présente un Bureau, des disques, un menu, etc. Devrons-nous nous contenter du champ de recherche de Spotlight, à la manière de Google ? Sauf que Google propose aussi un service d’Annuaire pour une recherche par catégories et sous-catégories. L’équivalent du Finder pour le web, quoi.

Les fonctionnalités du Finder sont trop nombreuses et trop importantes pour pouvoir être supprimé d’un coup de baguette magique. Copier des fichiers, sauvegarder le contenu d’un support vers un autre, etc., sont des actions actuellement hors de portée de Spotlight. Il n’existe pas dans Spotlight de notion d’« endroit ». Il n’est qu’un outil de recherche et s’il devait offrir ne serait-ce qu’un semblant de moyen de navigation, ce ne sera que sous la forme utilisée par le Finder. Autrement dit, le Finder, même sous une autre forme, sous un autre visage, sera toujours là.