mercredi 20 juillet 2005

Un vendredi de découvertes

Ce vendredi 15 juillet fut un vendredi de découvertes.

Découverte d’abord de deux nouveaux talents. Comme on peut le voir sur la photo ci-dessous, Yanis et Rémi (ou plutôt Rémi et Yanis, pour respecter l’ordre sur la photo) se sont intensivement entraînés pour le prochain Tour de France (et tous les suivants).

Je m’explique maintenant la décision de Lance Armstrong d’arrêter la compétition.

La seconde découverte a eu lieu au… Palais de la découverte. L’exposition intitulée « Les signaux bioélectriques : des bruits du coeur à l'électrocardiogramme » réservait une stupéfiant spectacle à tous les macounets endurcis et linuxiens invétérés : celui de l’écran bleu de la mort si cher à Microsoft.

Je n’ai toujours pas réussi à expliquer à mes deux futurs champions le pourquoi du comment de cet écran. Il me faudra beaucoup de patience et de pédagogie pour arriver à leur faire accepter l’idée qu’un ordinateur, ça tombe en panne, pour peu qu’il soit motorisé par Microsoft.

dimanche 17 juillet 2005

L’histoire du P-P-P-PowerBook (ou l’arnaqueur arnaqué)

Il vous est sûrement arrivé un jour ou l’autre d’acheter un objet quelconque et, pour une raison ou une autre, de regretter cet achat peu de temps après. Il est arrivé la même mésaventure à Cory. Quelques jours après avoir reçu son PowerBook G4 flambant neuf, il se rend compte (l’inconscient !) qu’il n’en a pas vraiment l’utilité. Et bien sûr, il n’est plus question de se le faire rembourser, le délai de dix jours étant passé.

Serviable, son ami Jeff se propose de présenter le portable à la vente sur eBay. Ce qui fut fait, au prix de départ de 1 700 $ et un prix d’achat immédiat de 2 100 $. Et les jours passèrent…

Arriva enfin un e-mail, dont voici la teneur :

Hello. Je suis très intéressé par votre machine. Pouvez-vous m’indiquer le meilleur prix auquel vous la céderiez et si vous pouvez l’adresser à l’étranger. J’habite Londres, Grande Bretagne. J’aimerais également connaître l’état de votre machine. Je suis très intéressé. Merci par avance.

Merci,

msalamon

Poliment, Jeff répondit à M. Salomon, en le rassurant : envoyer la machine à Londres ne lui pose aucun problème, à condition bien sûr que l’acheteur prenne en charge les frais d’expédition ; il n’y a aucun souci à se faire sur l’état d’une machine vieille de seulement 21 jours ; finalement, et concernant le prix, les 2 100 $ demandés pour pour l’achat immédiat augmentés des frais d’expédition lui semblent un prix convenable.

Salomon ne mit pas longtemps à répondre, réitérant son intérêt pour le portable et informant Jeff de son accord sur les termes de la transaction et sur les moyens d’expédition (FedEx, DHL, UPS, etc.). Cependant, il préférerait recourir aux services d’un autre tiers de confiance pour le transfert des fonds (http://www.set-ltd.net) plutôt que ceux de PayPal/Escrow d’eBay, trop gourmand à son avis. Grand seigneur, Salomon est prêt à prendre en charge les frais de transfert de fonds.

Scam, scam, scam. Jeff flaira immédiatement l’escroquerie. Heureusement, il ne céda pas à son premier réflexe de répondre par un mail composé en 72 pt et contenant les mots « FUCK OFF ». Membre d’un forum de discussion, il exposa son histoire. Ainsi fut lancée l'opération Grande Contre-Arnaque.

Le site http://www.set-ltd.net était bien sûr un faux, mais Jeff se fit un plaisir de s’y enregistrer. E-mail de Salomon : « J’ai procédé au transfert des fonds au profit du tiers de confiance et vous ne tarderez pas à en avoir confirmation. » E-mail en provenance du prétendu service de tiers de confiance : « Votre partenaire "Scont06" a procédé au transfert des fonds correspondant à la transaction n° ID 1399872290. »

E-mail de Salomon :

Hello. Le site tiers de confiance m’a confirmé la bonne réception des fonds. Vous pouvez maintenant m’adresser l’ordinateur par le moyen qui vous convient (FedEx, UPS ou DHL), mais veuillez s’il vous plaît déclarer une valeur de colis de faible montant, car je dois m’acquitter des droits de douane qui s’élèvent ici à 27,5 % du montant total déclaré ; s’il vous plaît, faites au mieux et déclarez le colis comme un cadeau de famille de faible valeur. Voici mon adresse : Gianluca Sessarego, 9b Varley Parade, Colindale, Londres, GB. Code postal : NW9 6RR

Le coup de génie vint de cette phrase :

Je dois m’acquitter des droits de douane qui s’élèvent ici à 27,5 % du montant total déclaré.

Soit un montant total déclaré de 2 200 $. 27,5 % de ce montant font 606 $ ! Il fallait arnaquer l'escroc de ce montant. Il était bien sûr hors de question d’envoyer le PowerBook tout neuf. Un autre PowerBook, encore plus neuf, pièce unique, pièce inestimable, serait envoyé. Entre-temps, des membres du forum se trouvant à Londres jouèrent aux agents secrets et partirent espionner les lieux du crime. Ils tombèrent sur un minable salon de coiffure-cybercafé.

 

Restait le problème du coût de l’envoi, trop élevé pour les modestes moyens de Jeff. Qu’à cela ne tienne, un appel à la générosité des membres du forum permit de réunir rapidement la somme nécessaire. Un saut au bureau de poste le plus proche et… patatras ! FedEx exigeait le numéro de téléphone du destinataire. Celui-ci se fait un plaisir d’en fournir un… faux !

Ce fut une longue attente. Stressante, que dis-je, angoissante. Panique à bord. Le colis qui reste bloqué chez FedEx qui ne peut le délivrer car ils ne peuvent joindre le destinataire au numéro de téléphone indiqué. Les e-mails urgents envoyés au cher Gianluca. Jeff panique. Il a peur de ne pas recevoir son argent. Il a besoin de cet argent. L’attente encore. Le stress qui va crescendo.

Enfin, un e-mail de Gianluca.

Cher Monsieur. J’ai payé aujourd’hui les droits de douane. Je me suis présenté personnellement aux bureaux de FedEx et effectué le paiement. Tout est OK actuellement et ils m’ont indiqué qu’ils effectueront la livraison demain ou lundi à 10 h du matin au plus tard. Désolé pour le retard, mais fedEx m’a assuré que c’était le mieux qu’ils pouvaient faire. De toute façon, au plus tard lundi après-midi tout sera réglé. La semaine prochaine donc nous finaliserons notre deal. Merci pour votre patience et j’espère que vous êtes rassuré maintenant.
Le 11 mai 2004, Gianluca prenait possession de son colis.

Voici le PowerBook reçu dans toute sa splendeur :

Vous pouvez retrouver le site (en anglais) consacré à cette histoire ici : Scamming the scammer.

vendredi 15 juillet 2005

SCO tente d’assassiner l’e-mail assassin

Le 13 août 2002, Michael Davidson, un ingénieur de SCO, adressait à sa hiérarchie un e-mail commentant les résultats d’un audit conduit par un consultant extérieur, Bob Swartz, sur le plagiat éventuel du code source d’Unix par Linux. Groklaw a mis la main sur cet e-mail. En voici la traduction (imparfaite) :

L’audit dont il est question ici a été mené par un consultant externe engagé par SCO (Bob Swartz). J’ai travaillé avec lui et vérifié ses résultats.

Si mes souvenirs sont bons, Bob a remis un rapport initial sur le projet décrivant la méthodologie qui sera suivie, et il également possible qu’il *ait* fourni un rapport final, mais je n’ai copie d’aucun de ces rapports.

Le projet est le résultat du refus de la direction de SCO de croire qu’il puisse être possible que Linux et une grande part du logiciel libre ait existé sans que *quelqu’un* *quelque part* n’y ait jamais copié des parties propriétaires de code source UNIX dont SCO détient le copyright. L’espoir était de trouver quelque « squelette dans les placards » du code utilisé par Red Hat et/ou tout autre compagnie Linux, qui nous donnerait quelques atouts. (L’idée a circulé, quelque temps, que nous pourrions vendre aux entreprises utilisant Linux des licences qui leurs serviraient de « police d’assurance » dans le cas où il s’avérerait qu’elles utilisent du code violant notre copyright.)

Il est à noter que la portée du projet était limitée à la recherche de preuves d’infraction de copyright (nous n’avons pas considéré les brevets car SCO n’en possédait aucun, et parce qu’en général, les problèmes de propriété intellectuelle sont trop vagues — de plus, SCO était *sûre* de découvrir des évidences de violations de copyright, évidences pour lesquelles les preuves sont comparativement plus aisées à apporter une fois ces violations découvertes).

Un consultant externe a été engagé car j’avais déjà émis l’opinion (basée sur la connaissance détaillée de notre propre code source et de la raisonnablement large exposition à Linux et autres projets open source) que ce serait une perte de temps et que nous n’allions rien trouver.

Bob [Swartz] a travaillé sur ce projet pendant (je crois) 4 à 6 mois pendant lesquels il a examiné le kernel Linux ainsi qu’un grand nombre de librairies et d’utilitaires et les a comparés à différentes versions du source code d’UNIX AT&T. (Le plus gros du travail a été automatisé grâce à l’utilisation d’outils conçus pour traquer les similitudes tout en ignorant les différences triviales de formatage et de graphie.)

En fin de compte, nous n’avons absolument *rien* trouvé, c’est-à-dire aucune preuve d’infraction de copyright quel qu’il soit.

Il existe, en fait, beaucoup de code commun entre UNIX et Linux (tout le système X Windows, par exemple), et il est invariablement apparu que ce code commun a été (légitimement) obtenu auprès de tierces parties par nous (SCO) et par la communauté de Linux.

Dois-je vous rappeler que 6 mois plus tard, le 6 mars 2003, SCO traînait devant les tribunaux IBM en lui reprochant exactement ce que niaient l’e-mail et l’audit ?

En tout état de cause, SCO a vite réagi à la divulgation de cet e-mail en le jugeant hors propos et en adressant aux médias (ZDNet Australia) une copie d’un mémo de ce même Swartz, daté de 1999, dans lequel ce dernier fait part de ces doutes sur l’« intégrité » de certains parties de Linux :

Ce mémo montre que l’e-mail de M. Davidson se réfère à une enquête limitée aux faits de copie littérale, qui se rencontrent rarement dans les cas d’infractions de copyright et qui peuvent facilement et délibérément être maquillés, ainsi que l’indique le mémo précisément.

Pour ma part, j’ai beau lire et relire l’e-mail, je n’y retrouve aucune des allégations de SCO sur les limites de l’enquête. De plus, même si le mémo exprime réellement des doutes, il ne fait par contre aucun doute que le texte de l’e-mail les balaie comme balaie un maniaque de la propreté le sol de sa maison : avec énergie et détermination, tant et si bien qu’aucune poussière n’y survit.

Par contre, il est un constat qui ne souffre aucun doute : 1999 est l’année de l’arrivée de Darl McBride à la tête de Caldera — qui prendra en 2003 le nom de SCO. Le mémo dont il est question ici n’est-il pas en fait le rapport initial évoqué dans l’e-mail ?

Tout cette mascarade ne vous rappelle-t-elle pas cette autre mascarade des armes de destruction massive admirablement jouée par G. W. Bush ?

McBride devrait intenter un procès à Bush. Pour plagiat. Je suis prêt à témoigner.