Le 13 août 2002, Michael Davidson, un ingénieur de SCO, adressait à sa hiérarchie un e-mail commentant les résultats d’un audit conduit par un consultant extérieur, Bob Swartz, sur le plagiat éventuel du code source d’Unix par Linux. Groklaw a mis la main sur cet e-mail. En voici la traduction (imparfaite) :

L’audit dont il est question ici a été mené par un consultant externe engagé par SCO (Bob Swartz). J’ai travaillé avec lui et vérifié ses résultats.

Si mes souvenirs sont bons, Bob a remis un rapport initial sur le projet décrivant la méthodologie qui sera suivie, et il également possible qu’il *ait* fourni un rapport final, mais je n’ai copie d’aucun de ces rapports.

Le projet est le résultat du refus de la direction de SCO de croire qu’il puisse être possible que Linux et une grande part du logiciel libre ait existé sans que *quelqu’un* *quelque part* n’y ait jamais copié des parties propriétaires de code source UNIX dont SCO détient le copyright. L’espoir était de trouver quelque « squelette dans les placards » du code utilisé par Red Hat et/ou tout autre compagnie Linux, qui nous donnerait quelques atouts. (L’idée a circulé, quelque temps, que nous pourrions vendre aux entreprises utilisant Linux des licences qui leurs serviraient de « police d’assurance » dans le cas où il s’avérerait qu’elles utilisent du code violant notre copyright.)

Il est à noter que la portée du projet était limitée à la recherche de preuves d’infraction de copyright (nous n’avons pas considéré les brevets car SCO n’en possédait aucun, et parce qu’en général, les problèmes de propriété intellectuelle sont trop vagues — de plus, SCO était *sûre* de découvrir des évidences de violations de copyright, évidences pour lesquelles les preuves sont comparativement plus aisées à apporter une fois ces violations découvertes).

Un consultant externe a été engagé car j’avais déjà émis l’opinion (basée sur la connaissance détaillée de notre propre code source et de la raisonnablement large exposition à Linux et autres projets open source) que ce serait une perte de temps et que nous n’allions rien trouver.

Bob [Swartz] a travaillé sur ce projet pendant (je crois) 4 à 6 mois pendant lesquels il a examiné le kernel Linux ainsi qu’un grand nombre de librairies et d’utilitaires et les a comparés à différentes versions du source code d’UNIX AT&T. (Le plus gros du travail a été automatisé grâce à l’utilisation d’outils conçus pour traquer les similitudes tout en ignorant les différences triviales de formatage et de graphie.)

En fin de compte, nous n’avons absolument *rien* trouvé, c’est-à-dire aucune preuve d’infraction de copyright quel qu’il soit.

Il existe, en fait, beaucoup de code commun entre UNIX et Linux (tout le système X Windows, par exemple), et il est invariablement apparu que ce code commun a été (légitimement) obtenu auprès de tierces parties par nous (SCO) et par la communauté de Linux.

Dois-je vous rappeler que 6 mois plus tard, le 6 mars 2003, SCO traînait devant les tribunaux IBM en lui reprochant exactement ce que niaient l’e-mail et l’audit ?

En tout état de cause, SCO a vite réagi à la divulgation de cet e-mail en le jugeant hors propos et en adressant aux médias (ZDNet Australia) une copie d’un mémo de ce même Swartz, daté de 1999, dans lequel ce dernier fait part de ces doutes sur l’« intégrité » de certains parties de Linux :

Ce mémo montre que l’e-mail de M. Davidson se réfère à une enquête limitée aux faits de copie littérale, qui se rencontrent rarement dans les cas d’infractions de copyright et qui peuvent facilement et délibérément être maquillés, ainsi que l’indique le mémo précisément.

Pour ma part, j’ai beau lire et relire l’e-mail, je n’y retrouve aucune des allégations de SCO sur les limites de l’enquête. De plus, même si le mémo exprime réellement des doutes, il ne fait par contre aucun doute que le texte de l’e-mail les balaie comme balaie un maniaque de la propreté le sol de sa maison : avec énergie et détermination, tant et si bien qu’aucune poussière n’y survit.

Par contre, il est un constat qui ne souffre aucun doute : 1999 est l’année de l’arrivée de Darl McBride à la tête de Caldera — qui prendra en 2003 le nom de SCO. Le mémo dont il est question ici n’est-il pas en fait le rapport initial évoqué dans l’e-mail ?

Tout cette mascarade ne vous rappelle-t-elle pas cette autre mascarade des armes de destruction massive admirablement jouée par G. W. Bush ?

McBride devrait intenter un procès à Bush. Pour plagiat. Je suis prêt à témoigner.